Réseaux sociaux numériques

Classiquement, un réseau social est défini comme une entité constituée d’un ensemble d’individus et des relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres, directement ou indirectement par le biais de chaînes de relations.

Cette définition conduit à considérer les réseaux sociaux comme des espaces non-finis. Cette caractéristique est d’ailleurs à l’origine même de la notion. Le travail fondateur de Barnes (1954), qui l’a formellement introduite dans le vocabulaire des sciences sociales, a montré que, sur l’île norvégienne que lui a servi de terrain d’expérience, tous les individus étaient indirectement liés entre eux par une chaîne de relations de quatre maillons au maximum et l’intuition de l’auteur était que ce réseau s’étendait au-delà, à l’humanité toute entière

Cette intuition a par la suite été partiellement testée par Milgram (1967) dans le cadre de l’expérience dite du « petit monde », qui a cherché à évaluer le nombre moyen d’intermédiaires entre un individu et un autre au sein de la société américaine. Aboutissant au chiffre de 5,2 intermédiaires, soit environ 6 degrés de séparation, il a ouvert la voie d’une longue série de travaux empiriques cherchant à valider ou invalider ce premier résultat.

Le terme de « réseau social » est depuis quelque temps particulièrement galvaudé dans le champ d’Internet. Dans le contexte du « Web 2.0 », il suffit qu’un nouveau service inclue quelques fonctions de mise en relation, pour qu’il soit – un peu rapidement à mon sens – baptisé de « réseau social ».

Je propose ici de définir un « réseau social numérique » de manière plus stricte, comme un réseau social formalisé par l’intermédiaire d’un dispositif fondé sur les technologies de l’information et de la communication et spécifiquement dédié à la constitution ou à la reconstitution de connexions sociales, à leur gestion et/ou à leur mobilisation à des fins personnelles ou professionnelles. Sont donc écartés de cette définition les services intégrant ces fonctions de manière secondaire.

Deux autres précisions doivent être apportées à cette définition.

Les plates-formes web spécifiquement dédiées aux réseaux sociaux sont apparues dès les débuts de l’Internet grand public, vers le milieu des années quatre-vingt-dix . Elles ne disposaient à l’époque que des fonctionnalités assez limitées : il s’agissait essentiellement d’offrir une place centralisée de reconstitution de sociabilités discontinuées, par exemple pour permettre aux internautes de retrouver leurs anciens camarades de classe.

Le premier service à exploiter la notion de chaîne de relations et de degrés de séparation, a été le site SixDegrees.com, dont le nom était une référence directe au résultat de l’expérience du « petit monde ». Les utilisateurs de ce service, qui a été en ligne de 1997 à 2001, étaient invités à reconstituer numériquement leurs liens sociaux directs, soit en identifiant des relations déjà inscrite soit en incitant leurs connaissances à s’inscrire. L’intérêt de cette formalisation du réseau social était ensuite de voir apparaître le champ des relations indirectes ouvert au-delà de son premier cercle de connaissances : il était possible de déterminer son degré de séparation avec chaque membre du site et de communiquer avec les personnes distantes de trois degrés ou moins. Mais cette possibilité d’identifier et de solliciter très facilement des relations indirectes, sans filtre social, a donné lieu à des pratiques de sur-sollicitation rapidement qualifiées de social spam. Cette problématique est d’ailleurs encore aujourd’hui au cœur des réseaux sociaux numériques, même si divers dispositifs ont été mis en place pour limiter le problème.

A partir de 2002 apparaissent des services que je qualifie de plates-formes de sociabilité personnelle. Elles reprennent en partie le principe de SixDegrees.com, et y ajoutent des outils de communication et, surtout, de partage de contenus divers (texte, photos, musique, vidéo). Depuis 2003-2004, l’audience de ces sites croît très fortement, notamment auprès d’un public jeune. Parmi les plus connus, il faut citer Friendster, Facebook et, surtout, MySpace.

A côté de ces sites orientés vers la sociabilité amicale et amoureuse se sont développés des plates-formes de mise en relation professionnelle. Le terme de « mise en relation » est préférable à celui de « sociabilité » car ces services mettent surtout en avant des fonctionnalités de connexité et de gestion de contacts. Il s’agit de (re)constituer numériquement des connexions sociales dans le but de les mobiliser pour trouver des clients, des partenaires, des fournisseurs, des salariés ou des employeurs. Ici pas de partage de contenus mis en ligne par les utilisateurs, sobriété professionnelle oblige, d’autant que ces plates-formes sont de plus en plus utilisées à des fins de gestion d’identité et de réputation en ligne (on y utilise son vrai nom, et non un pseudonyme comme souvent sur les plates-formes de sociabilité personnelle). LinkedIn, créé en 2003 aux Etats-Unis est considéré comme le premier site du genre. Ont ensuite suivis OpenBC (rebaptisé Xing en 2006), d’origine allemande, et en France, 6nergies et Viaduc (rebaptisé Viadeo en 2006) .

Références :

Barnes J. A. (1954), « Class and Committees in a Norwegian Island Parish », Human Relations, n° 7, pp. 39-58.

Milgram S. (1967), « The Small World Problem », Psychology Today, n° 1, pp. 62-67.

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6 commentaires »

  1. Un update (pas désintéressé;-)) : l’arrivée de la V2 de jobmeeters matérialise un nouveau type de réseau social numérique : un réseau spécialisé sur l’employabilité.

  2. Certes, mais alors dans une définition plus large (les fonctions de mise en relation étant limitées dans votre « talenthèque »). Et il faudrait aussi parler de Jobster dans ce cas 😉
    Paradoxalement, les plates-formes de cooptation « première version » me semblent davantage entrer dans ma définition. Il faudra que je développe un peu ce point.

  3. attetherese said

    avoir des cours sur la numerisation des reseaux et les differents types de resaux

  4. Maylyn said

    Bonjour,

    Je réalise un mémoire dont l’objectif est de montrer que les réseaux sociaux deviennent un nouveau mode de recrutement.
    Il existe beaucoup d’informations sur le sujet, mais peut-être trop justement.
    Les points de vue divergent et peu d’invidus prouvent, par des données chiffrées et des études, cette mutation dans le secteur du recrutement.
    Peut-être auriez-vous des pistes à me donner sur le sujet ainsi que des références pour me guider dans mes recherches.

    Merci

    • Cisse said

      Bonjour Maylyn
      Je suis dans votre situation. j’accumule les données mais je doute de leurs fiabilités. Est ce que vous avez des pistes et des références sur le sujet.
      Merci

  5. apartment said

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